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Aime Sara Bernard a proposé à Olivier Pauls de monter, en lecture, "Dans la solitude des champs de coton", de Bernard Marie Koltes, texte d'une écriture rare et d'une grande puissance. Aimée Sara ayant eu l'autorisation et l'entière confiance de François Koltès, frère de Bernard Marie, d'en faire une version courte. Elle a ramené ce texte réduit à 25 mn.

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Tout de suite les deux acteurs m'ont demandé de les accompagner dans cette aventure avec une contrainte forte, 3 semaines pour tout monter.

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J'acceptais avec une grande joie, ayant vu et adoré cette œuvre, j'en avais encore une  émotion très  présente. Je me suis tout de suite mis au piano. Il est venu sous mes doigts 4 pièces. La première représentait pour moi la personnalité du dealer, la deuxième celle du client, la troisième la lutte de la transaction difficile entre eux, la quatrième le constat amer de la non relation, du désir d'être vrai et la tragique réalité que la relation n'existe pas s'il y a objetisation de l'individu.

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Je n'ai retenu que 3 des 4 morceaux,  mais j'ai gardé des extraits du quatrième. La musique du spectacle allait être ainsi basée sur les 3 pièces principales reliées par des improvisations sur ces 4 thèmes, les silences et la retenue prenaient également toute leur place afin de servir la dramaturgie. 

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Le texte, le projet
Point de vue d'Olivier PAULS : 

Mon point de vue sur le texte

« Dans la Solitude des champs de Coton » est un texte complexe et élégant, puissant et bouleversant, devenu mythique après que Patrice Chéreau - et beaucoup d’autres à sa suite - s’en soient emparé. Le génie de Koltès crée une infinité d’espaces d’interprétation et laisse donc la liberté aux acteurs, metteurs en scène et public d’y développer une multitude d’interprétations.

Pour ma part, je dirais que c’est un texte qui parle principalement d’amour, ou plus exactement de l’absence d’amour. Un texte qui dénonce la façon dont le commerce a empoisonné les relations, au point de transformer les humains en objets interchangeables, que l’on peut vendre ou acheter.

Et bien-sûr, cela parle du désir avec un grand D. Ce désir que l’on met parfois toute une vie à identifier sans jamais y parvenir. Un désir qui pourtant devrait nous permettre de nous réaliser, de donner un sens à nos existences, en nous reliant les uns aux autres avec toute l’écoute et le respect, dont chacun d’entre nous a viscéralement besoin.

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Ma vision du projet

C’est parce que de nombreux.ses. metteur.se.s en scènes, actrices et acteurs se sont collés à ce texte depuis des décennies, qu’il me semble important de travailler dans le dépouillement et la sobriété. À l’écoute de ce que chaque mot de Koltès a à nous dire. Le laisser résonner à l’intérieur de soi, sans chercher à l’interpréter mais plutôt en « se laissant agir » par lui ; lui faire confiance, faire confiance à Koltès et nous faire confiance.

L’adaptation d’Aimée Sara, en accord avec François Koltès - qu’elle a rencontré et qui, lui aussi, lui a fait confiance, ce qui n’est pas rien - donne à entendre l’intégralité du parcours du texte original, sans en perdre l’essence. Cette durée réduite nous permet de jouer les deux personnages à tour de rôle, pour donner à voir et à entendre qu’il n’y a pas, d’un côté les dealers et de l’autre, les clients. Nous sommes tou.te.s des dealers et tou.te.s des client.e.s.

À ce propos, je dirai que la grande faille de notre époque consiste à trouver des coupables, des responsables et de nous placer systématiquement du côté des bien-pensants, des expert.e.s, de celles et ceux qui n’ont rien à se reprocher, celles et ceux qui sont du « bon côté », du côté des « gentils qui dénoncent les excès du pouvoir et la barbarie ». Ce manichéisme individuel et collectif, cette simplification systématique, empêchent toute remise en question de nous en tant qu’individus et de nous en tant que sociétés : « l’enfer, c’est donc vraiment les autres » ?

La musique a toujours occupé une part essentielle dans mon parcours d’acteur et de metteur en scène. Étant moi-même musicien, elle est souvent un personnage à part entière. La rencontre avec Bruno matérialise cette fusion avec le texte, en créant à la fois une scénographie sonore, un support de jeu et la matérialisation délicate de la part d’invisible suggérée par les mots.

Le lieu, sa pertinence

Nous avons eu la chance de pouvoir investir ce cadre unique de la Chapelle de la Madeleine, un bel édifice du XIIe siècle sur la colline de l'Hauture, dans le centre historique d'Arles.

Hervé Hôte, le propriétaire et gestionnaire du lieu, nous a fait confiance en nous laissant cet endroit prestigieux pour deux représentations. 

Nous avons fait appel à Christophe Devietti pour créer l'ambiance lumineuse, un éclairage bleuté enveloppant les murs et plafonds, recréant l'atmosphère de la nuit profonde où se déroule la rencontre des deux protagonistes. Deux projecteurs au sol éclairaient les deux acteurs, développant la tension de la relation.

Le choix de la diagonale devenait évident, aux extrémités les personnages marquaient leur territoire, au centre dans le croissement des deux projecteurs, une veste tombée au sol.

Le public allait se retrouver installé de part et d'autre de cette ligne, totalement immergé dans cet univers et ce rapport de force.

Le piano serait placé dans l'abside, véritable écrin de pierre que le bleu de la lumière rendait encore plus précieux.

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Les deux représentations du 24 mai 2025

Le 24 mai nous avons donné les deux représentations d'environ 30 minutes chacune, l'une à 21h 30 l'autre à 22h15. Le public était nombreu.

Nous avions décidé d'ouvrir les portes juste à l'heure: 21h30. A l'ouverture de la Chapelle un flot continu de spectateurs  est entré, le public s'est installé, certains sur les chaises, d'autres sur les coussins et tapis et d'autres restaient debout. La Chapelle était pleine, allant même au delà de notre attente. 

Pendant l'entrée du public, j'improvisais au piano, créant dès le début le cadre sonore de la représentation, puis quand Aimée Sara, déjà dans son rôle, a refermé les portes j'ai commencé le premier thème, celui du dealer. Pendant ce temps Olivier Pauls entrait sur scène et installait son pupitre. Avant la fin du morceau Aimée Sara démarrait son texte "Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu..." Le cadre était donné, les échanges commençaient. Le client  (Olivier) répondait au dealer " Je ne marche pas en un certain endroit et en une certaine heure, je marche, tout court..." et je l'accompagnais au piano en faisant entrer le deuxième thème. C'est ainsi que la pièce s'est égrainée, dans le respect du texte, les acteurs ne cherchant pas à surinterpréter mais à faire entendre les mots de Koltès. De mon côté, sans imposer le piano, en mettant en valeur l'émotion des acteurs, je jouais mes partitions et j'improvisais. Je soutenais ainsi les mots pour partager encore plus cette émotion au public, dans la retenue, dans la justesse, sans excès.

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A la fin de la première représentation, le public de 21h30 très touché a laissé la place à celui de 22h15 dans un même flot et à nouveau, Aimée Sara a refermé les portes.

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